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Dr Eve

De la salle de classe à la salle de conférence

Les femmes en science promettent de changer le monde


Dernière mise à jour : 23 september 2020

 

Voici Ève Langelier, professeure en génie mécanique, amatrice de plein air, maman de deux garçons et passionnée de science.

En tant que titulaire de la Chaire pour les femmes en sciences et en génie (CFSG) de l’Université de Sherbrooke, au Québec (Canada), Ève cherche depuis cinq ans des façons d’encourager davantage de jeunes femmes à faire carrière dans ces domaines.

Nous l’avons rencontrée pour parler des moyens d’attirer plus de femmes en science – de la salle de classe à la salle de conférence.

Ed : Ève, merci de nous accorder du temps. Pouvez-vous nous dire comment vous en êtes venue à choisir une carrière en génie?

Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire. Quand j’étais enfant, je me voyais dans une maison, avec une famille et un chien, tout en allant à l’université. J’ignore pourquoi.

Comme j’aimais beaucoup l’école, étudier n’était pas un problème pour moi. Je m’intéressais à la science et à l’art. Je penchais pour une carrière de scientifique, mais ma mère m’a présenté un cousin éloigné qui travaillait comme illustrateur de livres d’anatomie, ce qui m’a semblé passionnant à l’époque. Mon conseiller en orientation m’a cependant expliqué qu’il n’y avait pas beaucoup d’emplois dans ce secteur.

J’ai aussi passé beaucoup de temps à l’aéroport avec mon père, qui avait comme passe-temps de piloter des avions. J’ai donc décidé que je voulais dessiner ou, plutôt, concevoir des avions. Le moment venu, je me suis inscrite en génie mécanique à l’université, où j’ai rencontré un professeur de génie qui m’a encouragée à poursuivre mes études. Aujourd’hui, je suis moi-même professeure et je cherche des façons de mieux prévenir et guérir les blessures. J’adore mon travail!

Ed : Pourquoi est-il important d’attirer plus de femmes en science et en génie?

Il existe beaucoup d’opportunités de carrière en science et en génie, mais trop de femmes ne les envisagent même pas. C’est parce que, dès notre plus jeune âge, nous sommes confrontées à de nombreux obstacles dressés par la société, nos interactions à l’école et l’enseignement que nous recevons. Nous devons faire tomber ces obstacles pour pouvoir choisir – vraiment choisir. 

Par ailleurs, le génie a pour but de bâtir le monde de demain. Les femmes comptent pour la moitié de la population mondiale, si elles ne participent pas à bâtir ce monde, il ne sera pas représentatif de leurs perceptions et de leurs volontés. Nous devons faire une place aux préoccupations et aux priorités des femmes. 

Sans compter que la diversité des points de vue favorise souvent l’innovation et réduit le risque de tomber dans la pensée unique. Nous savons qu’il existe un lien entre la diversité, l’innovation et la performance d’une entreprise.

Nous nous sommes engagés à verser 250 000 $ CA sur cinq ans pour appuyer la Chaire pour les femmes en sciences et en génie de l’Université de Sherbrooke.

Ed : Vous parlez de faire tomber les obstacles que les femmes doivent surmonter, même toutes jeunes. Comment pouvons-nous y parvenir?

Il faut travailler de concert avec le cercle d’influence des filles, leurs parents et leurs professeurs. Une des priorités de la CFSG consiste à améliorer l’enseignement de la technologie aux filles à l’école. Nous fournissons des outils d’enseignement et nous nous rendons dans les classes pour présenter des modèles de femmes. Nous tentons de changer les perceptions qu’ont les étudiantes, mais également les professeurs, de la technologie.  

Les recherches montrent qu’il faut expliquer aux filles l’objectif et l’incidence du travail. Leur parler uniquement du diplôme qu’elles vont décrocher, ça ne fonctionne pas. Pour réellement les interpeller, il faut leur dire que, par leur travail, elles pourront résoudre des problèmes. 

On doit aussi garder en tête l’importance que les femmes accordent à l’altruisme; on oublie trop souvent toutes les possibilités qu’offrent la science et le génie d’améliorer la vie des gens. Nous devons redoubler d’efforts pour faire ressortir le côté humain de l’ingénierie, qui offre beaucoup d’occasions de créativité, de leadership et de travail d’équipe au quotidien.

Ed : Qu’est-ce que les entreprises peuvent faire pour inciter plus de femmes à faire carrière dans les domaines de la science et du génie?

D’abord, il faut accepter que des changements s’imposent. Nous avons besoin de leaders inspirants qui croient dans la diversité et ses avantages. 

Ensuite, nous devons changer notre façon de faire les choses – le recrutement, par exemple : comment le processus d’entrevue et de sélection des candidats se déroule-t-il? Nous devons nous demander si nous n’avons pas des préjugés inconscients, mais également redéfinir notre conception de l’excellence et de la performance. Prenons l’exemple d’une personne qui excelle dans son travail, mais qui a une famille et ne peut pas travailler 70 heures par semaine; on pourrait remettre en question son « potentiel d’excellence », alors que cette personne a vraiment quelque chose à offrir à son entreprise. 

Enfin, il faut s’adapter aux réalités d’aujourd’hui. Nous devons réaménager le travail pour qu’il soit plus accueillant pour les femmes et nous assurer qu’elles sont à l’aise dans leurs fonctions, qu’elles se sentent incluses et qu’elles ont l’impression de pouvoir progresser. Ce sont des aspects qu’on a parfois tendance à oublier. Si nous y arrivons et que les femmes sont heureuses dans leur travail, elles en parleront à leurs amies et aux membres de leur famille – ce qui encouragera d’autres femmes à faire le saut dans le monde de la science et du génie. 

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